Messe annuelle de l’Académie catholique de France
présidée par S.E.R. Mgr Maurice de Germiny, évêque émérite de Blois,
le 25 janvier 2016 en l’église Saint-Thomas-d’Aquin de Paris

Lorsque notre Académie a décidé, voici un peu plus de cinq ans, d’instituer cette messe solennelle sous les auspices de saint Paul et de sa Conversion, elle dessinait en quelque sorte le triangle de ses références principales avec saint Augustin, le géant patristique qui lui a donné sa devise : Non intratur in veritatem nisi per caritatem, et avec Thomas d’Aquin, le géant médiéval à qui nous rendons hommage dans cette église qui lui est dédiée. 

Mystique, il n’a pas seulement ni principalement connu des émotions spirituelles, il s’est d’abord identifié au Christ jusque dans l’humilité la plus dépouillée :  « Ce n’est pas moi qui vis mais c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2,20) ;  « C’est alors que je suis faible, que je suis fort » (2 Co 12,7) ; « Il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me gifler et m’empêcher de m’enorgueillir » (2 Co 12,10).  De telles séquences ne font pas seulement partie de notre patrimoine religieux comme on  dit, car elles notifient les dispositions premières de l’homme face à Dieu.

Intellectuel, penseur de première main, il n’a pas simplement commis quelques pensées durables, il a fourni des socles de références qui n’en finissent pas de  nourrir notre travail dans la pensée vingt siècles après. Si l’on ne compte guère, à s’en tenir au seul vingtième siècle, le nombre de poètes, de philosophes et de théologiens qui ont relu et commenté saint Paul, parfois de manière aventureuse, c’est aussi à cause de la puissance ici métaphorique, là spéculative que nous lèguent ses sentences sur le temps et l’événement, sur la dialectique de la lettre et de l’esprit, sur la récapitulation christologique, pour ne mentionner que quelques pépites.

Fondateur enfin, il  n’a pas simplement réalisé quelques fondations éparses dans le bassin méditerranéen au péril de sa vie, il a conféré, rien de moins, dans une parole à  temps et à  contre-tempos, ses caractères de fondation pérenne à l’Église.

Sans doute, saint Paul, la pérennité de l’œuvre paulinienne, tiennent-ils dans ce tissu unique fait du dynamisme fondateur, de l’exigence intellectuelle et de la disposition mystique.  Mais les trois champs qu’il  a ainsi constamment traversés ne l’ont pas été  par hasard : ils  traduisaient la grande histoire de la révélation biblique de l’homme face à Dieu, homme tout à la fois corps, esprit et cœur, invité depuis le livre du Deutéronome jusqu’à  l’Évangile à  « aimer Dieu de toute sa force, de tout son esprit de toute son âme ». En effet, Paul le fondateur a aimé Dieu de toute sa force ; Paul le penseur, l’a aimé de tout son esprit, de toute sa pensée ; et Paul le mystique l’a aimé de tout son cœur. Tel est sans doute l’un des messages les plus profonds, sans doute inoxydables, qu’il nous lègue à même notre exercice dont la puissance doit se vérifier dans ce qu’elle fonde, et dont les  fondations ne tiennent  que dans la fermeté d’une alliance spirituelle.

C’est à l’intérieur de ce cercle vertueux que nous pouvons recueillir une ultime inspiration au cours de cette fête qui célèbre non seulement saint Paul mais le phénomène inouï de sa conversion. Conversion : ce vocable renvoie le plus souvent, non sans raison, à l’exigence de changement constant, personnel et communautaire, de comportement. Et le carême qui débutera dans deux semaines nous le rappellera. Il est non moins vrai que la conversion de saint Paul nous renvoie aussi à un genre d’événement tout à fait singulier qui donna les saint Augustin et les Pascal,  les Thérèse d’Avila et les Édith Stein,  les Claudel et les Clavel, un  événement qui les a terrassés, littéralement mis à  terre, attendant le secours des frères dans la foi pour se redresser.

Ainsi, la demande de Jésus dans l’évangile de ce jour est rude : il s’agit bien d’annoncer universellement, et par amour du prochain, la bonne nouvelle du Vivant. Ainsi la conversion personnelle et la conversion des nations vont de pair au titre de l’unique salut inauguré par le Christ  dont voici le signe, dit l’Évangile : « Les malades s’en trouveront bien ».

Notre histoire de chrétiens dans la cité des hommes aujourd’hui déstabilisée à tant de plans, est assurément liée à cette demande de conversion personnelle et universelle, dont Paul notre aîné, que nous aimons lire et relire, nous apprend encore et sans doute plus que jamais les chemins de réponse.


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