Messe annuelle de l’Académie catholique de France
le 25 janvier 2017 en l’église Saint-Thomas-d’Aquin de Paris

« Qui es-tu Seigneur ? — Je suis Jésus, le Nazaréen, celui que tu persécutes ! »

Ce dialogue est bouleversant. Il fait de cet homme nommé Saul un autre homme, un homme qui sera pour toute sa vie plongé dans le mystère du Christ, et comme transfiguré. Il ne s’appartient plus, parce qu’en ces quelques instants de lumière, Jésus, le Messie humilié et glorifié, l’associe à sa Pâque. Ceux-là mêmes qu’il persécutait, deviennent des signes de Dieu. Dans son cœur, dans sa chair, dans son intelligence, il reçoit une force de vie et de résurrection qui l’arrache à lui-même et le place au cœur de la nouvelle Alliance dont le Verbe  fait chair est la source en ce monde.

Et Paul comprend que le mystère de la Croix du Christ vient pour toujours transformer notre humanité, en l’élargissant aux dimensions   de la miséricorde du Père, qui est sans limites. C’est ainsi que naît l’Église, qu’elle est mise au monde, qu’elle forme un corps vivant où la mort et le mal sont vaincus. Paul devient, avec les apôtres, le témoin passionné de cet engagement.

Même si nous ne sommes pas tous des convertis, même si nous n’avons pas fait l’expérience d’une telle révélation, nous avons, nous croyons que nous ne pouvons pas nous dire chrétiens, sans consentir à être saisis nous aussi par la Pâque de Jésus.

C’est pourquoi j’ai voulu aussi faire écho aux paroles passionnées que Paul adresse aux chrétiens de Philippes, quand il les appelle à avoir en eux les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus, à partir de la simple prononciation de ce nom de Jésus.

Il est normal que cette prononciation ne soit pas toujours facile. Elle nous dépasse et pourtant, elle fait partie de notre intimité. Jésus ! J’admire ces personnes qui parlent peu, quand elles osent nommer Celui auquel elles croient de façon simple et profonde.

Car, en ce seul nom, tout est dit, comme en germe, du mystère de Dieu quand il vient parmi nous. Lui, le Fils, le premier-né d’entre les morts, a été envoyé pour demeurer en nous, jusque dans nos ténèbres, lorsque nous avons l’impression d’être détruits par le mal. Car il a consenti, Lui, à être dépouillé de tout, réduit à rien, vidé de lui-même pour qu’en ce passage si réel, puisse surgir la force de réconciliation que le Père met en œuvre pour nous transfigurer.

La Croix du Christ ne détruit pas. Elle est une ouverture infinie, une source de vie inépuisable. Et j’entends encore le prêtre qui a été pour moi un véritable père spirituel prononcer les paroles de Paul aux chrétiens de Corinthe : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus-Christ crucifié ». Et on comprenait, en l’écoutant, où se trouve le cœur de la nouveauté chrétienne : c’est que le dépouillement de Jésus vient affronter et vaincre toute puissance de mort et que l’heure du Christ devient l’origine d’une nouvelle création.

Que l’Esprit saint soit remercié de nous donner cet homme devenu le pape François, qui a l’art de faire sentir que la passion du Christ est une passion aimante pour notre humanité et que nous y participons à travers le corps de l’Église !

Sans cette nous sommes appelés à aller du cœur de Dieu au cœur de notre humanité, et aussi, si cela nous est donné, du cœur de notre humanité au cœur du Christ qui nous associe à sa Pâque.

Oui, « il est grand le mystère de la foi », et il s’accomplit en nous à l’intérieur et aussi au-delà de tout ce que nous pouvons penser, chercher, imaginer.

Parce que Dieu lui-même est plus grand, infiniment plus grand que nous et que ce qu’il vient inscrire au plus secret de nos consciences ne peut pas être séparé de cet immense travail d’élargissement qu’il vient susciter dans le monde, au milieu même des brisures du monde.

« Car les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit se révéler un jour» (Rom.8) et qui brille déjà dans le Christ.

C’est au milieu des violences de la première guerre mondiale, alors qu’il voyait de près des morts et des blessés, que le Père Teilhard de Chardin a commencé à comprendre à quel point la prière de Jésus étend sa présence et sa miséricorde aux dimensions de l’histoire.

Seigneur, donne-nous, par l’intercession de l’apôtre Paul, d’être des chrétiens qui n’ont pas peur d‘être plongés dans ton intimité et d’oser être aussi comme l’âme du monde, à travers le Corps de l’Église. Car l’âme chrétienne du monde est indestructible !