Messe annuelle de l’Académie catholique de France
le 6 mars 2021 en l’église Saint-Joseph des Carmes à Paris

Une libération inouïe : le lieu de la présence de Dieu, c’est le corps du Christ

Le Temple dont il parlait, c’était son Corps.

I – Sens de la transcendance – Dieu libérateur

S’il y a un premier thème qui parcourt d’une manière impressionnante tous les textes de l’Écriture que nous venons d’entendre, c’est ce sens de la transcendance, un Dieu d’Amour qui vient nous libérer.

a – Un vocabulaire de passion amoureuse – Tu as du prix à mes yeux

C’est un vocabulaire de passion amoureuse que nous venons d’entendre : « Je suis un Dieu jaloux », nous dit le Seigneur. Ce zèle, cette fougue, c’est cette ardeur de Jésus pour aller à la rencontre de chacun d’entre nous, pour nous dire une Parole d’une force et d’une douceur sans égal. Il nous est beau de réaliser combien, en Jésus, il n’y a aucun caractère mièvre ou doucereux. Le Seigneur nous aime d’un Amour absolu, et la puissance de sa Parole nous le redit de dimanche en dimanche. Nous sommes tellement bien élevés et, bien souvent, dans nos liturgies, après avoir entendu la force de la Parole de Dieu, nous autres, pauvres prêtres, nous essayons de l’expliquer « avec une grosse béchamel » pour vous dire : « Ne vous inquiétez pas ! Tout va bien. Dieu vous aime. Dormez tranquilles ». Ce qui est premier dans le culte que nous rendons à Dieu, ce sont les gestes que nous faisons, le cœur que nous y mettons, et ce que dénonce l’Église c’est cette monstrueuse indifférence des hommes en face de la folie d’un Dieu qui se rend pourtant tellement proche de nous ! C’est ce que le Pape François ne cesse de nous dire, avec des mots qui nous choquent – et c’est heureux –, lorsqu’il dénonce cette monstrueuse indifférence que nous avons pour tant de nos frères qui auraient pourtant tellement besoin de notre aide et de notre protection ! Absolu de l’Amour de Dieu, sainte colère, passion vitale ! Merveille de réaliser combien Dieu nous aime !

b – Dieu est Dieu – Les commandements : instruments d’éducation et de libération

Dieu est Dieu, et il nous offre ses commandements, qui sont des réalités de libération. Après avoir libéré le peuple Hébreux de son esclavage en Égypte, Dieu, par Moïse, vient donner des Paroles de vie, des Paroles de libération, pour arracher l’homme à cet orgueil sans cesse renaissant, pour l’arracher à cette réalité que nous ne connaissons que trop et qui nous blesse tellement, les uns et les autres, cette réalité du péché. Dieu nous offre d’en être libéré.

c – Rejet des idoles qui nous enchaînent et nous avilissent

Dieu nous invite à rejeter les idoles qui nous enchaînent et qui nous avilissent. Ne regardons pas trop rapidement ces Paroles du Seigneur qui nous sont adressées ce matin, cette invitation à discerner toutes ces idoles sans cesse renaissantes qui nous entourent ! Encore et toujours, une idole, c’est une réalité de ce monde qui passe devant laquelle je me prosterne comme si elle me donnait le salut. Et l’expérience qui nous entoure, notre expérience propre, est que nous consacrons tellement d’énergie et de nos qualités à poursuivre des réalités étrangères au Seigneur, qui ne nous donneront jamais, d’aucune manière, le salut, bien au contraire qui nous détournent de l’Unique Essentiel ! Sens de la Transcendance, de cet Amour fou de Dieu qui vient à notre rencontre.

II – Sens de l’incarnation – Dieu fait homme

Sens de l’Incarnation, Dieu fait homme. Merveille de ces paroles de Jésus : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce ! » ! La maison de mon Père.

a – Jésus vrai Dieu et vrai homme, pont entre le ciel et la terre

Jésus vrai Dieu et vrai homme, pont entre le ciel et la terre, instrument de la nouvelle et éternelle Alliance entre le ciel et la terre. Merveille de Jésus qui, avec autorité, vient nous dire qui est Dieu son Père et qui nous sommes, nous les hommes, et qui vient faire le lien dans cette proximité unique avec chacun de nous !

b – Jésus est concret – Les sacrements : instruments de conversion

Parce que Jésus est concret, et les sacrements en sont le signe le plus tangible. C’est Jésus qui est le sacrement de la présence de Dieu au monde. Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Signe sensible et parole de bénédiction. Vous le savez : un sacrement, c’est toujours une réalité sensible – l’eau dans le cas du baptême, le pain et le vin dans le cas de l’Eucharistie, les paroles d’échange de consentement ou de l’aveu dans le cas du mariage ou de la Réconciliation – et une invocation de l’Esprit-Saint. Cela ne se comprend que par Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Il n’y a qu’un seul sacrement : le Christ et l’Église Corps du Christ. Et l’Église nous donne ces sept sacrements, qui sont autant d’occasions providentielles pour accueillir le don de Dieu et en être transformé.

c – Rejet des cultes extérieurs mais offrande du cœur en vérité

Nous le savons : les sacrements ne sont pas le lieu d’un petit trafic. C’est une tentation sans cesse renaissante de nous dire : « J’ai accompli le sacrement. Je suis venu à la messe du dimanche : je peux cocher la case ! Je me suis confessé une fois dans l’année au moment de Pâques : je peux cocher la case ! Je suis tranquille. » Quel drame que d’être sur ce registre ! Parce que le trafic que désigne Jésus, c’est ce commerce si malheureux qui nous fait penser que l’on peut être avec Dieu dans l’ordre du donnant-donnant, alors qu’il s’agit de l’accueil du don de la grâce. Il s’agit de se laisser envahir par l’Amour absolument gratuit de Dieu. Il s’agit d’ouvrir notre cœur à cette puissance de Vie qui nous a créés et qui veut nous recréer. Nous ne sommes pas là pour aligner des badges et des bons points, dans une vision enfantine et réductrice. Nous sommes là pour ouvrir notre cœur à l’absolu du don de Dieu. Plus encore, nous sommes là pour rentrer dans cette dynamique de don, de gratuité : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ».
Nous sommes invités à nous laisser bouleverser par l’absolu de l’Amour de Dieu, qui nous aime jusque-là, pour devenir, nous aussi, des êtres de gratuité, de don, de pardon, de miséricorde et de vie. Recevoir la vie en pure gratuité, et la redonner en pure gratuité. C’est dans cette relation fondamentale que le Seigneur nous invite à entrer, et cet Évangile nous le dit de manière poignante : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ! ». C’est le lieu du don de la grâce ; c’est le lieu de la transformation de nos vies. Et nous sentons combien c’est là un lieu de conversion, parce que nous sommes puissamment tourneboulés par la gratuité : cela nous déstabilise. Nous aimons bien tout contrôler. Nous sommes tellement sur le mode du donnant-donnant. Nous voulons tellement nous sécuriser par l’acquisition de quelques méthodes. Nous voudrions tellement réduire Dieu à ce que nous en comprenons. Or ici Jésus manifeste combien Dieu notre Père fait exploser tous ces catégories, parce qu’aimer c’est tout donner et se donner soi-même. Et le premier qui se donne c’est, d’abord et avant tout, Dieu notre Père par son Fils Jésus-Christ remis entre nos mains.

III – Sens de la résurrection – Dieu au cœur de l’homme

Cette réalité, nous ne la comprendrons que dans la lumière de la Résurrection. L’Évangile que nous venons d’entendre est au chapitre 2 de saint Jean, au tout début de l’Évangile. Jésus annonce déjà sa Résurrection, que les Apôtres sont loin de comprendre.

a – Libération inouïe : le lieu de la présence de Dieu, c’est le corps du Christ

Il y a eu le Corps physique de Jésus donné par Marie. Il y aura son Corps ressuscité et ce Corps de l’Église qui est le corps sacramentel du Christ, ce lieu de la présence de Dieu qu’est le Corps du Christ aujourd’hui au milieu de nous. C’est parce que Jésus est ressuscité que nous pouvons vivre en Église de cette présence de libération, de conversion, de sanctification, de la manière la plus sensible.

b – Adoration du Corps eucharistique : instrument de salut

Et, au cœur, il y a cette réalité de l’Eucharistie comme instrument de salut, cette invitation à respecter le Corps du Seigneur, cette invitation à respecter mon corps physique, cette invitation à réaliser combien l’extraordinaire se produit lorsque le Corps du Christ vient habiter chacun de nos cœurs. Comment articulons-nous cette réalité du fait que, par mon baptême, je suis le Corps du Christ, je suis habité par l’Esprit du Seigneur ? Je connais cette réalité extraordinaire ; je sais, à l’intime de mon cœur, l’appel que j’ai reçu, le sublime pour lequel je suis fait. Quelle est la cohérence de ma vie ? Est-ce que je suis dans ce donnant-donnant ? Ou est-ce que j’accepte de me laisser envahir et bouleverser par l’Amour du Seigneur ? Est-ce que je rentre dans cette gratuité, qui est aussi le lieu de la force qui vient tout bouleverser ?

c – Rejet de tout ce qui nous détourne de notre propre résurrection

Pour beaucoup d’entre nous, ce baptême, reçu à l’aube de notre vie, s’inscrit dans une culture, dans une tradition, dans une famille. C’est beau, c’est grand, c’est magnifique. Mais voilà que, pour chacun d’entre nous, il nous faut renverser la table, il nous faut accueillir, dans toute sa force, cet Amour du Seigneur, il nous faut sans cesse nous convertir, nous libérer de tout ce qui nous entrave, pour nous laisser être habités en plénitude par le Seigneur.
Puissions-nous laisser résonner, aujourd’hui et tout au long de cette semaine, cette invitation du Seigneur à réaliser ce que signifie le fait que, par notre baptême, chacun, nous sommes le Temple de l’Esprit du Seigneur, qui nous aime et qui nous sauve au-delà de ce que nous ne pourrons jamais réaliser, si ce n’est par Lui dans l’absolu de la lumière de Dieu.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Illustration : I, SajoR, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=66046960