Le prix annuel de l’Académie catholique de France a été décerné le 25 janvier 2019 à M. Bruno Frappat, ancien directeur de presse.

Éloge par Jean-Dominique Durand

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Membres du Corps académique et les Sociétaires de l’Académie catholique de France,

Monsieur le Supérieur des Assomptionnistes, père André Antoni,

Monsieur le Directeur de La Croix, cher Guillaume Goubert,

Mesdames et Messieurs,

Cher Bruno Frappat,

Vous avez fait toute votre carrière dans le journalisme, en commençant dès l’âge de 19 ans au Dauphiné libéré, le titre le plus proche de votre domicile, car vous viviez à Grenoble. Vous décevez les espoirs de votre père, qui voyait pour vous plutôt une carrière de haut fonctionnaire. Le journalisme, ce n’était pas très sérieux à ses yeux. Mais vous persistez, et très vite vous montez à Paris, et entrez au Monde. Vous y apprenez le métier sur le tas, en passant dans divers services, et vous en devenez rédacteur en chef en 1987, avant de prendre la direction de la rédaction en 1991. En janvier 1995, vous vous trouvez à la tête de La Croix jusqu’à l’automne 2009, quotidien que vous avez modernisé et grandement contribué à développer. Aujourd’hui, La Croix est un journal de référence, régulièrement cité dans les revues de presse. Président du Directoire de Bayard en 2000, vous avez soutenu le développement international de cet important groupe de presse. Vous en êtes aujourd’hui le président d’honneur.

Dans toutes les fonctions que vous avez exercées, vous avez porté haut l’exigence d’une vraie déontologie du métier de journaliste : recherche de la vérité, refus de l’exclusivité à tout prix, vérification des informations avant de les publier. Vous avez acquis une forte autorité morale tant parmi vos confrères que parmi les lecteurs des journaux que vous avez dirigés. Vous avez été appelé à présider le Comité social de la Fondation de France, et à siéger au Haut Conseil de la population et de la famille. En 2009, vous avez été chargé par les États généraux de la presse écrite, de piloter un groupe de sages pour proposer un Code de déontologie visant à actualiser la Charte du Syndicat national des journalistes et la Charte de Munich, déclaration des devoirs et des droits des journalistes qui datait de 1971. Vous avez siégé dans de nombreux conseils d’administration, par exemple de l’Institut catholique de Paris ou du journal Ouest-France.

Passionné et même sans doute fasciné par la presse comme en témoigne votre engagement si jeune dans le métier de journaliste, vous avez toujours su en mesurer avec lucidité la portée, les apports à la connaissance et à la culture, mais aussi les risques, ceux de la médiocrité, ceux provenant de la masse des informations et des images qui chaque jour nous envahissent, ceux de la manipulation, aujourd’hui on dit les infox.

Pour vous, la presse a en fait un rôle éminent d’information mais aussi d’éducation. C’est pourquoi vous attachez la plus grande importance à l’écriture, que vous soignez particulièrement. Vous avez beaucoup écrit et vous écrivez toujours beaucoup. Des livres, des recueils de vos chroniques, comme Si les mots ont un sens, qui rassemble celles du Monde. Vous avez donné de très nombreuses chroniques dans différent titres, notamment le Dauphiné libéré, votre berceau en quelque sorte, auquel vous êtes resté toujours fidèle, La Croix, la revue Études, Panorama notamment. Vous avez donné une belle et profonde préface aux Chroniques françaises, 1973 – 2007, de René Rémond, grand historien et observateur sagace de son temps.

Vous savez aussi vous échapper de l’actualité pour prendre de la hauteur spirituelle, pour rédiger un chemin de croix à la demande du cardinal Lustiger, Chemin de mort, chemin de vie, publié avec des illustrations de Jean-Claude Coutausse (Bayard-Jeunesse, 2004), ou pour des conférences de carême à Notre-Dame de Paris, que vous a confiées le cardinal Vingt-Trois.

Vous aimez exercer ce que vous appelez « le service de la plume ». Votre sens des formules, l’élégance de votre style font mouche, tout comme la fermeté de votre pensée et le courage de vos prises de position. Vous êtes passionné par les mots. Je vous cite :

J’aime les sonorités des mots et le balancement du phrasé des phrases, leur drapé, les allitérations me plaisent, les entrechocs de sonorités m’intéressent.

Pour votre maîtrise de notre langue, vous avez reçu le prix Richelieu de la langue française en 2017.

J’ai éprouvé de la difficulté pour choisir une citation de vous qui témoigne à la fois de cette maîtrise, de votre humour et de votre sens des formules, parfois, souvent féroces, tant le choix est difficile. Je me suis arrêté sur ce passage de votre chronique du 16 novembre 2018, où vous évoquez les tweets de Donald Trump :

Ce gouvernement par les petites phrases des tweets, bouts de pensée schématiques et morcelés, nul n’a encore trouvé comment y répondre efficacement. D’ailleurs faut-il répondre et comment ? […]

Mais qui a vraiment envie de passer son temps à échanger des tweets avec qui que ce soit ? Les tweets, c’est de la pensée en lambeaux, de l’intelligence en loques, des onomatopées écrites, des bribes de mots mis bout à bout. La formule non seulement encourage le simplisme mais c’est son fondement même, sa justification, son carburant. Quand Trump tweete, laissons-le donc continuer à émettre les crachats que lui inspire sa vulgarité, en détournant la joue pour n’en être pas souillé. Laissons-lui ses cris de bête et pensons sérieusement à ce qu’il est bon que les humains échangent avec les humains. Inutile d’essayer de discuter avec un dinosaure d’avant la civilisation.

Vous portez ici deux jugements sévères : l’un sur le président Trump, l’autre sur le tweet, comme ennemi de la pensée construite, ennemi de la langue : pour vous, seule la phrase, avec ses mots bien choisis et bien disposés, permet l’expression nuancée de la pensée. Je sais votre préoccupation pour l’évolution des médias télévisuels, notamment des chaînes d’information continue, qui constituent un triple défi à la qualité de l’information, à l’intelligence et à la langue.

 

En vous remettant son prix, cher Bruno Frappat, l’Académie catholique de France reconnaît la valeur de l’engament chrétien d’un acteur important de la société civile, qui agit dans un domaine, celui de la presse, qui façonne notre société. Mais les valeurs évangéliques de respect des personnes, de recherche de la vérité, n’y sont pas des plus développées. Le hasard du calendrier fait que ce prix vous est remis précisément le lendemain de la publication dans La Croix d’un grand sondage sur la confiance qu’ont nos concitoyens dans la presse. C’est l’occasion de s’interroger sur la crédibilité des médias. Et surtout de revenir sur la fin ultime que pape Paul VI attribuait aux médias : « la seule digne de ce nom : le service de l’homme, de tout homme et de tout l’homme ».

Remerciement par Bruno Frappat

Messeigneurs, Mesdames, Messieurs, chers Amis,

Vous me permettrez, avant de vous remercier tous d’être venus en cette rude soirée fort hivernale honorer l’heureux élu de ce prix, de remercier prioritairement Jean-Dominique Durand pour les éloges qu’il vient de tresser en couronne au-dessus de ma crinière blanche. Il y a du vrai dans ce qu’il a cru bon de nous raconter à mon sujet et chacun adore entendre parler de soi, surtout en bien. Je suis impressionné de vous voir tournés vers moi comme si vous attendiez des paroles essentielles. Un journaliste doit s’efforcer à la vérité et je tiens à la confesser : je ne suis pas du tout académique et sans doute assez piètre catholique, pas plus paroissien modèle en tout cas que journaliste modèle.

Avant d’examiner avec vous les leçons que je tire de près de soixante ans d’exercice de ce métier de journaliste, qui a mauvaise presse en toute saison, surtout quand nous sommes au moment où La Croix publie son désastreux sondage annuel sur la défiance des Français vis-à-vis des médias, je tiens à vous remercier pour votre présence. Merci à vous, Monseigneur l’Archevêque de Reims, qui occupez l’une des places les plus éminentes de l’Église de France et l’une des plus intensément liées à l’histoire de notre pays. Merci à vous tous les Académiciens catholiques, ceux que je connais déjà et ceux qui me connaissaient à peine avant de voter en ma faveur.

Et puis il y a dans cette salle une petite brigade d’amis et de familiers. Des amis que j’ai côtoyés au Monde et à La Croix. Il y a aussi la fine fleur du groupe Bayard-Presse et de La Croix. Je m’en voudrais de ne pas distinguer la présence du père André Antoni, augustin de l’Assomption, membre de longue date du Directoire et qui représente pour moi les attraits mêlés de l’amitié et de l’actionnariat.

Permettez enfin que j’aie une pensée pour mon épouse, Dominique. Celle-ci, comme beaucoup le savent, est empêchée depuis qu’elle nous a quittés il y aura bientôt quatre ans. Je la considère dignement représentée par nos deux fils, Jean-Baptiste et Guillaume. Ils savent très bien ce que je dois à celle qui sacrifia des milliers d’heures de sa propre vie pour me permettre d’exercer mon métier trop prenant.

 

Vous m’offrez par la remise de ce prix l’occasion d’une méditation rétrospective sur le métier de journaliste. Valait-il de s’y consacrer au-delà du raisonnable, en temps et en nervosité, une longue vie durant ?

Ma carrière se sera donc déroulée de 1964 à ces premières décennies du IIIe millénaire dans les trois quotidiens qu’on lisait dans ma famille : Le Dauphiné libéré, La Croix, Le Monde. La presse, les médias en général, ont énormément évolué durant ces décennies. Je veux m’arrêter sur les bouleversements les plus spectaculaires et les plus significatifs.

Regarder en arrière, pour moi, c’est contempler un immense cimetière de journaux disparus. Lorsque j’étais enfant, dans ma     bonne ville de Grenoble, il y avait cinq quotidiens, trois du matin, deux du soir. Il n’en reste qu’un, qui a fini par monopoliser le champ de l’information locale et régionale. Il en va de même dans de nombreuses régions françaises.

Au niveau national, on n’en finirait pas de réciter la liste des journaux disparus : une pensée pour ceux qui existaient encore à Paris quand je suis entré au Monde en 1968 : Paris-Presse-L’Intransigeant, une pensée pour Combat, pour Paris-Jour, pour L’Aurore, pour Le Matin de Paris, pour La Tribune et pour ce colosse aux pieds d’argile tué par la télé : France-Soir. Ceux qui ont survécu, tous fondés au xixe siècle, l’ont fait grâce à la fidélité de leurs lecteurs et grâce à une ressource devenue primordiale : la publicité.

La plupart des grands journaux et groupes de presse ont accepté, avec passivité et parfois complicité, le déclin du journal-papier au fur et à mesure que la presse gratuite détournait à son profit la clientèle et la publicité. Les médias audiovisuels leur avaient déjà tondu la laine sur le dos depuis le milieu des années soixante.

Ces médias avaient aussi installé dans l’idée du public que l’information était gratuite comme si elle n’avait ni coût ni valeur. Le cataclysme pour la presse quotidienne, le coup de grâce, fut bien la distribution des « gratuits » aux sorties de métro et dans les bistros. Le public se détourna des kiosques, ce qui eut un effet négatif aussi pour la diffusion de la presse magazine. Il restait à certains, pour attirer le regard des passants raréfiés, à confier à des journalistes dits d’investigation le soin de monter des opérations spectaculaires, des scoops sensationnels et parfois douteux pour agripper le chaland.

Autre évolution sur le plan technique, c’est évidemment celle des capacités permises par l’informatique, puis l’internet. Dès lors que le plomb n’a plus été nécessaire pour la composition des articles, des professions traditionnelles ont disparu et les journalistes sont devenus dans les années quatre-vingt les typographes de leurs propres textes. Ils furent dès lors soumis à des impératifs de rapidité, de formatage, de longueur et de présentation qui ont bridé l’imagination et pénalisé le talent et l’intelligence des textes. La forme a pris le pas sur le fond.

Par la suite, les capacités de l’information en direct, en « temps réel » comme on dit bizarrement, ont contribué au journalisme assis, le dispensant du contact direct avec le terrain, la matière première des articles devenant production du web et non plus des « choses vues » dont parlait Victor Hugo. Cela ne pouvait aboutir qu’à l’appauvrissement des contenus et à une funeste ressemblance entre eux des journaux et des autres médias, avec développement d’un suivisme exaspérant et contraire à l’idéal du pluralisme. Lire un journal, c’était les absorber tous.

Les nouveaux médias dominants transforment en spectacle le paysage de l’information. Il faut gérer des feuilletons, raconter des histoires aux grandes personnes, multiplier les portraits des vedettes de l’actualité en traquant leurs petits secrets, trouver des récits haletants ou pleins de mystères et de rebondissements.

Tous les domaines de l’actualité passent à la moulinette de cette primauté du genre « faits divers ». Cela aboutit à l’efflorescence de ce que l’on appelle le « people », qui domine tout le champ de l’information.

La pipolisation a des effets terribles sur la vie de nos démocraties : le politique devient une scène où des polichinelles suspects et des histrions rivalisent devant un public de gogos. Il s’agit moins de séduire par ses idées et la force de ses arguments que par la virulence des formules assassines dont on accable l’adversaire. La dérision s’est installée dans de nombreux médias transformant les journalistes en animateurs rigolos. Quant aux fameux réseaux sociaux apparus récemment, ils installent dans la société l’idée que tout se vaut, que toute opinion mérite d’être entendue, qu’il n’y a plus de parole experte ou qualifiée qui vaille.

Voilà un bien sombre tableau, me direz-vous, et après cette évocation sinistre, il n’y aurait plus qu’à jeter le journalisme par la fenêtre et y passer ensuite soi-même. C’est vrai que le journalisme contemporain n’a que peu de rapport avec celui dans lequel je m’étais lancé avec la ferveur des moines néophytes. Quand je suis entré au Monde à l’âge de 23 ans, frais émoulu de la révolution de mai 68, j’avais le sentiment de pénétrer dans un monastère dirigé par un père abbé sévère, exigeant, grave, ascétique, Hubert Beuve-Méry, le fondateur du Monde. Il nous enseignait le sens de notre mission, au sens quasi religieux du terme. Nous devions être les transmetteurs d’une vérité sacrée, celle des faits, au service d’une société fondée sur la qualité des engagements civiques pour la justice et pour les valeurs de la République. Cela m’allait : j’étais idéaliste.

Nous sommes loin aujourd’hui de ce tableau enchanteur, que peut-être ma nostalgie a tendance à embellir, comme font toujours les vieux qui ressassent leurs campagnes d’antan. Il n’empêche que cet apprentissage au contact de très grands journalistes m’a durablement convaincu de la noblesse de ce métier.

Il reste peu de choses de ces vertus. La concentration et l’appropriation de la presse par des consortiums industriels et financiers qui font passer la rentabilité à court terme avant la qualité n’ont pas permis une valorisation du journalisme. Beaucoup des défauts que l’on signale chez les journalistes sont, vus par leurs employeurs, des qualités au service du rendement : rapidité, suivisme, emballement, superficialité. Jamais on ne leur demandera explicitement d’être médiocres et schématiques mais, quand ils le sont, on ne les sanctionne pas.

Il y a des exceptions aux dérives bien connues de notre profession. Il demeure des espaces d’excellence déontologique, de calme et d’indépendance mais ils sont minoritaires, isolés, clandestins même parfois. Croyez-moi, écrire dans La Croix à la fin du siècle dernier, ce n’était pas pratiquer un journalisme à la mode ni être dans le politiquement correct ou le culturellement correct et le sociétalement correct. Nous étions, dans la presse, une curiosité, une tribu étrange.

Le système médiatique accumule des défauts qui ont culminé, à mes yeux, lors de la crise des gilets jaunes, ces temps-ci : suivisme, complaisance et fascination pour les violents et les extrémistes, effet de loupe sur le moindre cageot en train de brûler, parole donnée à des anonymes proférant des insultes ou des bobards, libre cours laissé à la haine, insuffisance dans l’interrogation des acteurs, les seuls poussés dans leurs retranchements étant les représentants du pouvoir.

À la source de tout cela, il y a l’organisation des rédactions en vue de la recherche du sensationnel, du scoop scandaleux, du propos le plus vif, mais il y a aussi l’inculture de certains confrères, qui se persuadent chaque matin que l’histoire humaine a commencé la veille au soir.

Bon, mais je ne veux pas terminer sur une note sinistre condamnant l’ensemble des médias. Car les médias ne sont pas un bloc. Il y a des catégories, des genres, des équipes différentes. Le citoyen qui veut s’informer intelligemment et finement le peut encore en passant à travers les gouttes des médias dominants. Il y a TF1 , certes, mais il y a Arte et France 5, Il y a Cyrille Hanouna et ses grosses rigolades mais il y a France-Culture. Il y a Les Grosses Têtes de RTL mais il y a La Croix.

Même l’internet tellement décrié à cause des réseaux sociaux est un allié précieux du citoyen avide de faits vrais et vérifiés, d’analyses justes et approfondies.

L’écrit n’a  pas dit, selon moi, son dernier mot. Il y aura toujours des gens pour préférer le temps de l’écrit, sa lente coulée, à la  précipitation hystérique du direct de l’audiovisuel. L’écrit qui permet l’approfondissement des idées et la recherche patiente des causes et des effets des phénomènes de l’actualité. L’écrit patient, avec l’agrément de lecture, l’écrit qui empêche de mourir idiot et qui permet de penser le réel.

Selon moi, déontologiquement, les médias qu’il faut encourager sont ceux qui ont intégré à leur fonctionnement trois impératifs que j’englobe dans l       a règle des trois respects. Il y a, bien sûr, le respect des faits, vérifiés avant la liberté du commentaire et des opinions.

Deuxième respect, celui des gens auxquels on s’adresse et du support qu’on utilise. C’est-à-dire respect des publics qui vous lisent ou vous écoutent. Ils ne viennent pas à vous par hasard, ils ont des exigences, des qualités, une typologie, des dadas et même des tabous que vous devez connaître. La connaissance de son public est indispensable à qui veut être utile. Il faut savoir à qui l’on s’adresse. On ne parle pas au public de La Croix comme à celui de L’Équipe ou des Échos. Mais respecter son public n’est pas se prosterner devant lui. Il faut le prendre par la main, parfois, pour le mener loin de ses préférences.

Le troisième respect auquel on doit s’attacher est le respect de soi-même. Il ne faut pas s’asseoir sur ses convictions, piétiner ses goûts ou dissimuler ce à quoi l’on croit. Cela s’appelle la liberté de penser et d’écrire. J’ai souvent été repris par des lecteurs mécontents de mes écrits, notamment dans mes chroniques d’humeur, ce qui est normal. Mais j’ai toujours refusé de me prosterner devant l’opinion des lecteurs. Ils comprennent bien que l’on expose ses convictions à condition que l’on respecte les leurs. Alors la liberté de plume est une évidence partagée avec bonheur.

Il ne faut pas avoir peur de déplaire, certes pas dans le seul but de choquer. Naviguer à contre-courant est parfois nécessaire. Lors des premières semaines de la crise des gilets jaunes, j’ai publié une série de chroniques très hostiles à ce mouvement et à ses acteurs. J’ai reçu des tombereaux de reproches et des appels à cesser d’écrire. Je n’ai, à ce jour, pas regretté une seule ligne de ce que me dictait le mélange de passion et de raison qui doit être, selon moi, à la base de ce métier.

Mais alors, catholique, dans tout ça ? Je ne sais pas ce qu’est un journaliste catholique. Je connais des catholiques journalistes. Je sais ce qu’est un journaliste professionnel, par ailleurs catholique ou qui travaille dans un journal, explicitement catholique ou pas. C’est un journaliste qui doit faire preuve d’indépendance d’esprit et de compétence professionnelle plutôt que de dogmatique. On ne lui demande pas à l’entrée s’il va à la messe tous les dimanches et s’il fait correctement ses Pâques.

À l’embauche, je le teste sur sa réflexion déontologique mais je ne le questionne pas sur sa foi. On lui demande d’être conscient du journal dans lequel il est appelé à écrire et de ne jamais tirer dans le dos de l’institution sans laquelle il n’y aurait pas de journaux catholiques qui tiennent ni de public catho. Pour le reste, qu’il soit catholique à sa façon, et tout ira bien.

Je vous remercie pour votre écoute patiente.