L’Académie catholique de France est de nouveau éprouvée par la disparition soudaine d’un de ses membres élus dans la section Arts et lettres, l’écrivain Denis Tillinac.
Sa stature de rugbyman et de polémiste avait fait de lui « le d’Artagnan de la Corrèze », toujours prompt à dégainer son épée, en l’occurrence sa belle plume, puissamment trempée dans un terroir pour lequel il était d’une fidélité absolue, quand les tribulations du monde le heurtaient ou l’indignaient.
Sa réputation de cancre, qu’il traîna tout au long de sa scolarité, son baccalauréat décroché en candidat libre, ses études à Bordeaux, peu studieuses, avaient contribué à forger son image de réfractaire et de « hussard ».
Pigiste puis journaliste à La Montagne en Corrèze, puis à Madame Figaro et à La Dépêche du Midi, son talent d’écrivain et d’observateur de la vie publique s’affirma très tôt. Proche de Jacques Chirac, comme lui homme de terrain et de terroir, il en devint l’ami et le confident. D’une grande loyauté à son égard, il fut un chiraquien de la première heure ; gaulliste bien sûr, il s’affirma comme une des grandes plumes de la droite républicaine. Son talent d’écrivain lui donna d’être aussi bien romancier (Le Bonheur à Souillac, L’Été anglais, La Nuit étoilée) que poète (Sur le pont des regrets) et biographe de Chirac, de Marie de Rohan, de Chateaubriand. Il fut aussi l’auteur d’un grand nombre d’essais et on lui doit deux Dictionnaires amoureux, celui du catholicisme et celui de la France…
Ses livres sur la Corrèze lui donnèrent de faire partie de l’École de Brive, qui rassemble des écrivains du terroir comme Claude Michelet ou Michel Peyramaure.
Son style, très vigoureux, fut au service d’une certaine idée de la France, traditionnelle et éternelle, nourrie du sentiment de la terre, solidement portée par une foi chrétienne, vivifiée par les grands auteurs qui ont fait la nation française de Hugo à Giono, de Rabelais à Saint-Exupéry. Sa joie de vivre, en province surtout, l’éloigna de Saint-Germain-des-Prés, qu’il ne fréquentait guère quoiqu’il dirigeât les éditions de La Table ronde durant de longues années (1992 – 2007).
Son empathie pour ses nombreux lecteurs, sa voix rocailleuse, sa bonhomie, son bon sens étaient appréciés de tous. On pouvait néanmoins percevoir en lui une mélancolie profonde et une sorte de tristesse voilée devant les évolutions d’un monde à venir dont il condamnait les excès, la dilution des valeurs et le manque de ferveur.
Quelques heures avant sa mort, vendredi 25 septembre, il signait ses livres à l’inauguration du salon Livres en vignes au château du Clos de Vougeot, en Bourgogne, dont il était un des piliers depuis plus de dix ans. Dans la nuit qui arrivait, après avoir dégusté un grand gevrey-chambertin, 1979, il était terrassé par un infarctus massif.
Les condoléances de l’Académie catholique de France vont particulièrement à son épouse, Monique, et à ses quatre enfants.
Alain Vircondelet.
Illustration : Denis Tillinac à la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde, 2010. Le Grand Cricri, Wikimedia commons.